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samedi 31 juillet 2021

Colbert et le Code noir

« Après Mazarin, l’ancien commis devenu intendant du cardinal démontre vite son efficacité en administrant les finances jusqu’à s’imposer comme le principal ministre de Louis XIV pendant vingt-deux ans.

Outre les comptes publics, qu’il rétablit, il est chargé des Bâtiments et de la Maison du roi, de la Marine, des Eaux et forêts, du Commerce, des Mines à partir de 1670.

Il brise la spirale infernale de la dette. 

Sous son impulsion, la marine de guerre voit le nombre de ses vaisseaux multiplié par dix, ses arsenaux rénovés, ses ports agrandis, ce qui assure au pays une hégémonie en Méditerranée occidentale.

Sans “le grand Colbert”, Louis XIV aurait-il aussi été “le Grand” ? Son ministre a été l’acteur majeur du renforcement de l’État, la pierre de voûte de l’absolutisme royal, le discret ouvrier du rayonnement de la France durant ce Grand Siècle. 

« Si l’on compare l’administration de Colbert à toutes les administrations précédentes, la postérité chérira cet homme dont le peuple insensé voulut déchirer le corps après sa mort » , écrit encore Voltaire.


Colbert est à l’initiative de la rédaction de l’ « édit du roi servant de règlement pour le gouvernement et l’administration de justice et la police des îles françaises de l’Amérique, et pour la discipline et le commerce des Nègres et esclaves dans ledit pays » . Un édit mieux connu sous le nom de “Code noir”. Promulgué à Versailles en mars 1685, ce texte est devenu un symbole pour les militants de la pensée “décoloniale”.


Or ce Code noir n’a pas été signé par “le grand Colbert” mais par son fils, deux ans après la mort de son père, disparu en septembre 1683.


En réalité, le Code noir limite par la loi le pouvoir jusqu’alors arbitraire du maître sur l’esclave dans la société des Antilles françaises, annexées au domaine de la Couronne en 1674. 

Les esprits contemporains éclairés ne s’y sont pas trompés. Critique de l’esclavage, le philosophe Adam Smith reconnaîtra, un siècle plus tard, que ce texte a apporté une “protection minimale” en imposant au maître des règles là où il n’y en avait pas.

De même, à l’article “Nègre”, l’ Encyclopédie , parue en 1765, rappelle que c’est « pour arrêter les cruautés de ces hommes barbares qui par avarice laisseraient manquer leurs esclaves des choses les plus nécessaires à la vie » que ce code a été rédigé.


S’il réduit bien l’esclave à un bien « meuble » sur le plan juridique, il reconnaît aussi son “humanité” dans le cadre de son statut servile.

L’édit de 1685 promulgue l’obligation de baptiser et de donner une instruction religieuse aux esclaves, lesquels observent le repos dominical et les fêtes catholiques. La morale de l’Église l’emporte sur la condition juridique : le mariage d’hommes ou de femmes libres et d’esclaves est autorisé (art. 13), alors qu’avoir un enfant d’une esclave hors mariage est puni d’une forte amende.

Les maîtres ne peuvent, en outre, contraindre leurs esclaves à se marier « contre leur gré » (art. 11). L’esclave peut tenir négoce pour son maître. 

C’est, enfin, parce qu’il est un homme qu’il peut accéder à la liberté par l’affranchissement (art. 55). Il gagne alors une pleine personnalité juridique.

De même, le Code noir proscrit tous les « traitements barbares et inhumains » (art. 22 à 27), toute torture, mutilation ou mise à mort – le châtiment suprême relève d’une prérogative de la justice du roi. Le propriétaire d’esclaves qui contreviendrait à ces interdictions doit être poursuivi.

Pour autant, l’esclave en fuite, s’il n’est pas de retour après un mois et si son maître a signalé son “marronnage”, est passible par la justice royale d’un traitement qui serait terrifiant de nos jours : à la première fuite, on lui coupe les oreilles et on le marque à la fleur de lys comme un criminel ; en cas de récidive, on lui coupe le jarret ; à une troisième évasion, il est mis à mort.


Ce n’est qu’en 1794 que la Convention abolira une première fois l’esclavage dans les colonies (rétabli par Bonaparte en 1802) et qu’en 1848 cette abolition deviendra définitive. »


(extraits d’un article de Valeurs Actuelles, 15/07/2021) 

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