Nombre total de pages vues

Affichage des articles dont le libellé est violence. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est violence. Afficher tous les articles

mardi 9 avril 2024

Politesse et politique ont les mêmes finalités

"(…) 
il est toujours risqué de se croire plus malin que tous ceux qui vous ont précédé.
Dans un monde qui sur tant de plans a sombré dans la brutalité, la vulgarité, l’ignorance et l’égoïsme radical, il y a effectivement nombre de choses belles, raffinées et civilisées qui paraissent désuètes. Sans doute la politesse est-elle de celles-là. Or, malheureusement, c’est notamment parce qu’elle semble désuète que notre monde en est arrivé là, son rôle particulier – comme son nom l’indique – étant justement de “polir” les rapports entre les personnes afin de les rendre plus fluides, moins rugueux, d’éviter les frottements et, de là, les conflits et même les violences que risque sinon d’engendrer la vie quotidienne (…)

Autour de Mai 68, une majorité de Français déclarait la politesse ringarde, dépassée, voire oppressive, bourgeoise et patriarcale. Mais la tendance s’est inversée au cours des années 1980, (…)

(…) une vieille règle des traités de savoir-vivre, selon laquelle on ne parle pas de politique à table : non parce que cela serait inconvenant ou gênant, comme d’y causer de sexe ou d’argent, mais parce que les questions politiques, au sens large du terme, sont de celles qui suscitent les oppositions les plus fortes, qui échauffent les esprits, excitent les passions et qui, par conséquent, risquent de conduire des personnes parfaitement bien élevées à se comporter comme des sauvages. Quand on parle politique, la sociabilité est plus menacée que jamais, notamment à table, lieu pacifié par excellence et intégralement régi par les normes de la bienséance, comme je le rappelle longuement dans mon livre (…)

(…) contrairement à ce que pouvaient déclarer certains prophètes naïfs comme Victor Hugo, la mise en place de la démocratie n’entraîne pas un apaisement définitif des rapports politiques. Notamment dans la mesure où, centrée autour de la compétition électorale, la démocratie est un système où la lutte ne cesse jamais et où, par conséquent, les violences symboliques, les impolitesses, les atteintes à la civilité inhérentes à cette lutte sont de tous les instants (…)
Les historiens politiques ont ainsi pu démontrer qu’au Parlement, le pic de l’impolitesse coïncide avec l’apogée de ses pouvoirs, sous la IIIe République, tandis qu’à l’inverse, le Parlement muselé et rationalisé de la Ve République semble plus poli qu’aucun de ses prédécesseurs, surtout lorsque le président de la République bénéficie de l’appui d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale et qu’il est ainsi le seul maître du jeu."

(Extraits d'un entretien avec Frédéric Rouvillois dans Valeurs Actuelles, 4/04/2024)

jeudi 18 juin 2020

Un chrétien peut-il tuer ?

A priori, ça me semble contredire l'enseignement et l'exemple du Maître.
En gros, un chrétien devrait être non-violent.

Mais j'ai trouvé sur internet ce qui suit, à commencer par cet argument percutant :
Il est certain que l’on peut renoncer à se défendre soi-même ou à se laisser défendre par des moyens violents, mais on ne peut laisser le prochain sans défense efficace pour le protéger dans sa vie et dans sa liberté. C’est le principe de la charité qui est absolu et non celui de la non-violence”(1). Le père René Coste note à ce sujet que c’est dans le traité de la charité de sa Somme théologique que saint Thomas examine le problème de la guerre et non pas dans celui de la justice, comme on aurait pu s’y attendre s’il s’était situé dans une tradition philosophique.

La non-violence n’a jamais été considérée par l’Eglise comme une alternative à la théorie de la guerre juste. L’affirmation selon laquelle le témoignage de non-violence et de pacifisme chrétien vient de certains pères de l’Eglise à travers saint François d’Assise jusqu’à Dorotay Day et Martin Luther King est inexacte… il n’y a qu’une seule tradition catholique : la tradition de la guerre juste, mais cette tradition a été soumise à des tensions internes venant d’un désir de paix toujours présent. (2)

St Augustin (354-430) comme Thomas d’Aquin, traditionnellement considérés comme les deux pères de la pensée catholique sur la guerre juste, n’ont jamais envisagé la guerre que comme une solution de « moindre mal »

Chez Augustin, l’idée de l’inévitabilité des guerres est étroitement liée à une conception de l’homme qui est d’abord considéré comme pécheur. La perfection auquel tout être humain aspire est inaccessible dans la « Cité des hommes », ce qui rend parfois nécessaire le recours à la force pour prévenir l’injustice. Augustin, qui s’était élevé de manière véhémente contre la cruauté de la guerre a dû prendre en compte les circonstances historiques et notamment les accusations adressées aux chrétiens d’être responsables de la chute de Rome (410) à cause de leur philosophie de non-résistance. Toutefois, il se garde de développer une théorie générale de la guerre et se limite à en énoncer trois critères qui sont conditions de son acceptabilité : cause juste, intention droite, compétence de l’autorité qui la déclare.

Le jus ad bellum, conditions de la juste guerre.

Thomas d’Aquin reprendra ces trois critères dans une systématisation qui restera la base aussi bien juridique que théologique de la théorie classique. Plus encore qu’Augustin, il part d’une présomption contre la guerre. Il en traite en effet à partir de la question « Faire la guerre est-il toujours un péché ? ». Il est encore plus significatif qu’il traite des conditions de la guerre sous l’intitulé « De la Charité ». Il souligne par là la composante téléologique de son approche : la guerre ne peut être autorisée pour poursuivre n’importe quel but. Elle est le moyen de veiller à ce que justice soit faite et que soient préservées les valeurs fondamentales. Clairement, il y a chez lui une hiérarchisation des valeurs qui fait de la justice un impératif supérieur à celui de l’absence de violence. La théologie catholique ne s’est jamais fait le porte-parole d’un pacifisme « fondamentaliste » basé sur l’axiome de non-violence contenu dans l’Evangile. Dans les siècles qui suivront, l’idéal érasmien de paix universelle se développera en grande partie en opposition à elle.

La paix est la tranquillité de l’ordre” (Saint Augustin)
Le désordre engendre la violence qu’il faut distinguer de la force qui émane de l’harmonie. “Pour beaucoup de chrétiens, peut-être, l’action militaire est synonyme de violence, le concept de maîtrise de la force leur étant inconnu” (3)

Pie XII a fréquemment insisté sur cette nature de la paix. Le monde ne connaît pas la paix parce qu’il lui manque “la conscience d’une norme reconnue par tous moralement obligatoire et par là même inviolable… Cette norme, c’est la foi en Dieu et la conviction de ne pouvoir pas se soustraire à sa loi” (4)

"Construisez la paix en commençant par le fondement : le respect de tous les droits de l’homme, ceux qui sont liés à sa dimension matérielle et économique comme ceux qui sont liés à la dimension spirituelle et intérieure de son existence dans ce monde” (5)

Pie XII dans son message de Noël 1948 précise : “La fin de la paix est de bien protéger les biens de l’humanité en tant que biens du Créateur. Or parmi ces biens, il en est de telle importance pour la communauté humaine que leur défense contre une agression injuste est, sans nul doute, pleinement justifiée

Le catéchisme de l'Eglise catholique précise que “les pouvoirs publics ont le droit et le devoir d’imposer aux citoyens les obligations nécessaires à la défense nationale, et que ceux qui se vouent au service de la patrie dans la vie militaire, s’ils s’acquittent correctement de leur tâche, concourent vraiment au bien commun de la nation et au maintien de la paix”.


(1) Père René Coste, "L’Eglise catholique face aux problèmes de la guerre et de la paix, au cours des siècles". Article de la Revue de la Défense Nationale de juin 1983.

(2) Extrait du compte rendu d’une réunion tenue à Rome les 19 et 20 janvier 1983 sous la présidence du cardinal Ratzinger, à propos de la lettre pastorale des évêques américains, Le défi de la paix, Documentation catholique, 24 juillet 1983.

(3) Mgr Patrick Le Gal, évêque aux armées françaises, dans la revue EGMIL de mars 2003.

(4) Pie XII , juillet et septembre 1948.

(5) Jean Paul II à l’UNESCO à Paris, 2 juin 1980.