Le cardinal Pacelli, futur Pie XII, est secrétaire d’État
(premier ministre du Saint-Siège) depuis six ans quand il se rend aux
États-Unis et rencontre le président américain Franklin Roosevelt en 1936. Une
amitié très forte va naître entre les deux hommes.
Roosevelt, réélu la même année, est impressionné par
l’hostilité ouverte que manifeste le pape Pie XI au nazisme par son encyclique
Mit Brennender Sorge, publiée en mars 1937, une semaine avant l’encyclique
Divini Redemptoris, sur le communisme athée, qualifié d’« intrinsèquement
pervers ». En septembre 1938, Pie XI déclare : « Spirituellement, nous sommes
tous des sémites ! » À sa mort en mars 1939, il mobilise immédiatement un
croiseur de l’U.S. Navy pour envoyer les trois cardinaux américains participer
au conclave. Le message de Roosevelt est clair : dire au futur Pape que le
Président des États-Unis est avec lui dans son combat contre le nazisme.
À peine élu, Pie XII qualifie Hitler d’« Attila motorisé »
devant l’ambassadeur de France près le Saint-Siège. Avant Staline, le Führer
est l’ennemi principal de l’Europe.
En 1941, Roosevelt veut absolument aider l’URSS à se
défendre mais l’opinion américaine catholique y est résolument hostile, à
cause de la nature du régime. Pragmatique, Pie XII demande alors à son
représentant à Washington, Mgr Cicognani, d’intervenir auprès de l’épiscopat
américain pour faire savoir que cette encyclique était sans signification
géopolitique ou militaire et que Pie XI, en la publiant, ne pouvait pas
anticiper le conflit armé entre le Reich et l’URSS. L’opération est un succès.
L’alliance entre les États-Unis et l’Union soviétique va changer le cours de la
guerre.
Au printemps 1942, au plus fort de la domination
allemande, il devient urgent d’ouvrir un second front afin de soulager l’URSS.
Pour permettre le débarquement des alliés américains et britanniques en Afrique
du Nord, il faut à tout prix faire sortir l’Espagne – qui contrôle le détroit
de Gibraltar – de l’orbite allemande. Dès l’été 1942, Pie XII, par l’intermédiaire
du frère de Mgr Cicognani, son nonce apostolique à Madrid, exhorte l’ensemble
des évêques espagnols à proclamer l’incompatibilité totale de l’idéologie nazie
avec les valeurs de l’Évangile. Le Caudillo comprend parfaitement
l’avertissement et rapatrie ses 40 000 soldats déployés sur le front russe aux
côtés de la Wehrmacht. Le débarquement a lieu en novembre, le Reich est pris en
tenaille.
(Article d'Emmanuel Huyghues-Despointes in L'1visible,
Janvier 2020)