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vendredi 19 juin 2020

Pépites IV (de la littérature patristique)

« Apprenez donc où l’ont trouvé ceux qui le cherchaient, pour qu’accompagnant Joseph et Marie dans leurs recherches, vous puissiez les découvrir (…) : pas simplement dans le Temple, mais au milieu des docteurs qu’il écoutait et qu’il interrogeait. Vous aussi cherchez donc Jésus dans le Temple de Dieu, cherchez-le dans l’Église, cherchez-le auprès des maîtres qui sont dans le Temple et qui n’en sortent pas. Si vous cherchez de cette façon, vous le trouverez. »
(Origène, « Homélie sur Saint Luc », IIIè siècle)

"Qu’il n’y ait pas d’intervalle entre le premier mouvement et le bienfait. La bienfaisance seule n’admet pas de délai (…) Ton mérite est doublé par ta promptitude. Le don fait avec chagrin et par contrainte n’a ni grâce ni éclat. C’est avec un cœur en fête, non en se lamentant, qu’il faut faire le bien."
(Saint Grégoire de Nazianze, « Homélie sur l’amour des pauvres », IVè siècle)

« Nous venons d’indiquer cinq chemins de la conversion : d’abord la condamnation de nos péchés, puis le pardon accordé aux offenses du prochain ; le troisième consiste dans la prière ; le quatrième, dans l’aumône ; le cinquième, dans l’humilité. Ne reste donc pas inactif, mais chaque jour emprunte tous ces chemins… »
(Saint Jean Chrysostome, « Homélie sur le diable tentateur », IVè siècle)

« Dieu a livré son Fils, et toi, tu ne donnes pas même un morceau du pain à celui qui a été livré et mis à mort pour toi ! Le Père, à cause de toi, n’a pas refusé celui qui était son vrai Fils, et toi, alors qu’il meurt de faim, tu passes sans le voir, lorsque tu vas dépenser les richesses qui sont à lui, et les dépenser pour toi (…) Ne sont-ils pas plus insensibles que la pierre, ceux qui persévèrent dans cette dureté diabolique parce que tant d’affaires les appellent ? »
(Saint Jean Chrysostome, « Homélie sur la lettre aux Romains », IVè siècle)

« Le Seigneur est accusé ; et il se tait. Et il a raison de se taire, n’ayant pas besoin de se défendre ; vouloir se défendre est bon pour ceux qui craignent d’être vaincus. »
(Saint Ambroise, « Traité sur l’Évangile de Saint Luc », IVè siècle)

« … le Christ a voulu nous préfigurer, nous qui sommes son corps, dans lequel il est mort, est ressuscité et monté au ciel ; c’est ainsi que la tête a pénétré la première là où les membres sont certains de pouvoir la suivre. »
(Saint Augustin, « Homélie sur le psaume 60 », Vè siècle)

« Par le sacrement de baptême, tu es devenu temple du Saint-Esprit. Garde-toi de mettre en fuite un hôte si noble par tes actions mauvaises, et de retomber ainsi dans l’esclavage du démon, car tu as été racheté par le sang du Christ. »
(Saint Léon Le Grand, « Sermons », Vè siècle)

« Quand le Seigneur, au temps des noces, c’est-à-dire lorsque l’Époux qui doit s’unir à l’Église dans l’allégresse pascale, a changé les eaux en vin, il préfigurait manifestement les foules des païens, qu’amènerait la grâce de son sang. Car les eaux représentent les peuples, comme le montre clairement la lecture des paroles divines (Ap 17,15) : « Les eaux que vous voyez sont des peuples, des nations, des langues » »
(Eusèbe le Gaulois, Vè siècle)

« « On tourne en dérision la simplicité du juste » (Jb 12, 4). La sagesse de ce monde consiste à dissimuler le cœur sous des artifices, à voiler la pensée par des paroles, à montrer comme vrai ce qui est faux, à prouver la fausseté de ce qui est vrai. Au contraire la sagesse des justes consiste à ne rien inventer pour se faire valoir, à livrer sa pensée dans ses paroles, à aimer la vérité comme elle est, à fuir la fausseté, à faire le bien gratuitement, à préférer supporter le mal plutôt que le faire, à ne jamais chercher à se venger d’une offense, à considérer comme un bénéfice l’insulte qu’on reçoit pour la vérité. »
(Saint Grégoire Le Grand, « Commentaire du livre de Job », VIè siècle)

« Le vin du calice du Seigneur est mêlé d’eau et figure ainsi que nous devrons demeurer en Jésus-Christ, et Jésus-Christ en nous, car au témoignage de saint Jean les eaux représentent les peuples. Il n’est permis à personne d’offrir du vin seul, ou de l’eau seule, une telle offrande semblerait vouloir séparer la tête des membres… »
(Bède le Vénérable, « Homélie sur la purification », VIIIè siècle)

samedi 16 septembre 2017

Interview de Jean-Claude Guillebaud, in La Vie

Dans la Foi qui reste (l'Iconoclaste), Jean-Claude Guillebaud, chroniqueur à La Vie depuis 2001, retrace l'histoire d'une foi chrétienne ravivée après être restée longtemps sous le boisseau.

Malgré 20 siècles de doutes et de crises, l'Église réussit toujours à se maintenir. Cette institution résiste-t-elle à ce que vous appelez la « médiocrité cléricale » ?

L'esprit de vieillesse est susceptible de frapper n'importe quelle institution. Or l'écueil est d'accorder plus d'importance à ce qu'est l'Église en tant qu'institution qu'au message dont elle est porteuse. Chaque fois que l'Église prend des décisions autoritaires ou disciplinaires, quand elle se mêle trop du temporel, le message évangélique qu'elle porte est trahi. Nous avons évidemment besoin de l'Église comme institution, car c'est elle qui, depuis des siècles, structure le catholicisme. Mais nous avons aussi besoin de dissidents, de gens qui l'interpellent, qui la remettent en cause et qu'elle menace parfois d'excommunier... avant de les canoniser plusieurs siècles plus tard ! Ce que je trouve magnifique dans l'histoire de la chrétienté, c'est ce balancement entre l'institution et ses dissidents. Je lis Bernanos depuis que je suis adolescent. Dans ses Écrits de combat, ce catholique fervent se montre particulièrement intransigeant à l'égard de l'Église. Il y a toujours eu des chrétiens anticléricaux ; c'est aussi ce qui explique la longévité du christianisme. S'il n'y avait eu que l'Église, l'institution se serait sclérosée. S'il n'y avait eu que les chrétiens contestataires, le message se serait perdu en route. Les deux sont indissociables.

Certains chrétiens se sentent incompris. Comment l'expliquez-vous ?
Je suis habité par une colère. La façon dont on humilie les chrétiens me désole. Et c'est une exception propre à la France, au Québec et à la Belgique. Partout ailleurs, personne ne songerait à désigner les chrétiens comme des obscurantistes et des incultes... Notre culture a été façonnée par plusieurs siècles de christianisme. La plupart des valeurs qui sont aujourd'hui dites « républicaines » proviennent de la Bible et de la pensée grecque. Il est donc absurde de considérer les croyants comme des arriérés. Il y a dans une seule page de l'Évangile de Jean plus d'intelligence, de profondeur et de pertinence que dans tous les livres des nouveaux philosophes à la mode. Le véritable problème est que nous vivons dans un monde qui prétend tout rationaliser, et dans lequel certains athées se croient plus malins que les autres.

Des chrétiens conservateurs n'hésitent pas à critiquer le pape, qui tiendrait un discours « irresponsable » sur les migrants. La présence de François est-elle irradiante ou irritante ?

Irradiante, bien sûr ! Pour la première fois, nous avons un pape qui est plus « à gauche » que les partis socialistes européens ! Cela dit, Jean Paul II, en 1991, avait publié une encyclique, Centesimus annus, qui critiquait longuement le capitalisme. Et ce, au moment où le communisme était en train de s'effondrer. Entre écologie intégrale et accueil de l'étranger et du pauvre, le message évangélique est souvent plus progressiste qu'on ne le pense. Le pape François se soucie des pauvres dans leur entièreté ; pas seulement de leur niveau de vie, mais aussi de leur dignité. Ceux que nous appellerons les « catholiques athées » ne se sentent attirés que par l'institution. Le message chrétien passe au second plan. Bernanos se moque de ces gens-là et dénonce ceux qui s'imaginent que le Christ est mort sur la croix pour permettre aux propriétaires de dormir tranquilles... Par exemple, Charles Maurras était athée ; il ne s'est intéressé que quelques heures avant sa mort au message évangélique. Il jugeait en revanche que l'institution cléricale permettait à la société d'être structurée et stable. Il avait une vision instrumentale du christianisme. D'où sa fameuse phrase : « Je suis athée, mais catholique. »

Au fond, ne pas être d'accord avec les positions politiques du pape, n'est-ce pas être un dissident, un catholique contestataire ?
Cela dépend. S'il s'agit de rejoindre les « identitaires », je m'y refuse. Il existe une notion d'immobilité dans leur manière de concevoir le monde et la foi. Or la foi chrétienne est une marche jamais achevée. Il faut un orgueil incroyable au chrétien qui affirme le contraire !

Est-il plus facile de se dire catholique aujourd'hui qu'il y a 10 ou 20 ans ?
Il y a 10 ans, mon livre Comment je suis redevenu chrétien a obtenu un succès inattendu. On me demandait : « Comment avez-vous trouvé le courage de dire que vous étiez chrétien ? »Quelle rigolade ! Les chrétiens courageux sont ceux qui sont persécutés en Syrie, en Irak, dans certains pays d'Afrique ou d'Asie. En France, tout ce que l'on risquait, c'étaient quelques moqueries parfois injurieuses. Or cela est en train de changer. Le politique semble avoir abandonné le laïcisme agressif que certains ministres ont pu adopter il y a quelques années.

Qui sont les chrétiens « raisonnables » ?
Ceux qui acceptent de rendre raison de la foi qui est en eux. Le chrétien raisonnable croit, mais consent toujours à soumettre sa foi à la raison critique – c'est même un devoir pour lui. Jacques Ellul, théologien protestant dont je suis toujours resté proche, était issu d'une famille athée. À 18 ans, il s'est converti au christianisme. Pour voir si sa foi était solide, il a passé une année à lire toute la littérature antichrétienne. À ce propos, le vrai dialogue interreligieux n'est possible qu'en acceptant l'idée que l'autre a peut-être quelque chose qui nous manque. Cornelius Castoriadis avait une formule magnifique de simplicité pour désigner l'acte de croire en général : « Toute croyance est un pont jeté sur l'abîme du doute. » C'est une action volontaire, qui n'exclut pas le doute, mais qui permet de le surmonter.

Comment combattre ce que vous nommez la « tentation de la citadelle » ?

La tentation du repli dessèche le chrétien. Comme si la foi était si faible qu'il fallait la mettre sous cloche. On n'est certes pas obligé de croire tout ce que la modernité apporte. Il existe deux formes de sottise : tout accepter et tout refuser. D'un côté, la sacralisation du progrès et de la transgression. De l'autre, le rejet global de la modernité. Le monde évolue et nous avons besoin de discernement pour nous aider à faire les bons choix. À la citadelle, il faut préférer un espace intérieur de recueillement non soumis aux prétendues urgences contemporaines.

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"La foi ne doit pas être une contradiction qui fait la morale, mais une contradiction qui génère de la perplexité chez les personnes qui sont prêtes à l'entendre et qui les renvoie à ce qu'ils croient vraiment. c'est ce que dit le Christ : "Que celui qui a des oreilles entende !" (Pierre-Louis Choquet, in La Vie, 2/11/17)