C'était l'époque où les embarcations de réfugiés traversaient la Méditerranée du nord vers le sud. En ce funeste été 410, après avoir réduit Rome à la famine en l'assiégeant, le roi barbare Alaric Ier met à sac la ville pendant trois jours de fureur. Général wisigoth de l'armée romaine, Alaric n'a pas été payé et vient prendre son dû. Meurtres, pillages, viols ; les archives de la Ville éternelle sont incendiées et des milliers d'habitants réduits en esclavage. Les Italiens qui en ont les moyens fuient la péninsule pour l'Afrique du Nord.
"C'était un traumatisme comparable au 11 septembre 2001 pour les Etats-Unis", affirme Jean-Marie Salamito, professeur d'histoire du christianisme à la Sorbonne (…)
Le sac de Rome ne signifie pas la chute de l'empire, dont la capitale occidentale est alors Ravenne ; mais il provoque une onde de choc dans tout le pourtour méditerranéen.
(…) les chrétiens pensent comme les païens que Rome est éternelle. Comment Dieu a-t-il pu laisser saccager la cité qui recèle les tombeaux des apôtres Pierre et Paul ? Les païens, qui constituent encore la moitié de la population, accusent le nouveau culte d'être à l'origine de la catastrophe. Le christianisme est depuis peu religion d'Etat ; les sacrifices ont été interdits et les dieux bafoués ont cessé de protéger la ville, pensent-ils.
Pour répondre aux chrétiens déroutés et aux païens suspicieux, saint Augustin (354-430) écrit plusieurs sermons. Alors évêque d'Hippone, dans la province d'Afrique, il n'a pas assisté au sac, mais il a entendu les récits des réfugiés italiens.
"Rome ne périt pas si les Romains ne périssent pas. Les Romains ne périront pas s'ils louent Dieu. Ils périront s'ils blasphèment. Rome, ce sont les Romains."
Après avoir remis les choses ans leur ordre d'importance, Augustin encourage les chrétiens d'Hippone à se montrer charitables envers les réfugiés. Nous vous le demandons, nous vous en supplions, nous vous y exhortons, soyez doux. Ayez de la compassion pour ceux qui souffrent, prenez soin des victimes.
(extraits d'un article de Christine Mo Costabella, in L'Écho Magazine, 12 décembre 2019)