Il semblait que Franz Kafka avait voulu prouver que la vie est une geôle sinistrement bouffonne qui s’ouvre sur une guillotine dans un décor de Grand-Guignol.
(…) cette invraisemblable aventure, drôle, plate ou cruelle comme un dessin d’enfant…
On s’aperçut plus clairement que ces héros de Kafka qui dansaient dans les mansardes et les buanderies du vertige métaphysique n’étaient que des incarnations de Kafka et imitaient dans leurs avances et leurs échecs sa démarche désespérée d’ascète de la vérité, de « champion de jeûne », de coupable-né, pour s’expliquer le monde et entrer dans la Loi. Un solitaire, quatre ou cinq fois déraciné, par son moi et sa tradition, dans son moi et sa tradition, par sa race, dans sa race, dans sa famille aussi et même dans ce monde dix fois seul, accablé par un père terriblement terrestre et scandaleusement triomphant, d’un complexe d’infériorité qui devient l’axe de sa pensée, voilà Kafka.
Son art est d’avoir su tirer de son petit problème personnel une parabole de la condition humaine.
« Je te déchirerai comme un poisson », lui affirmait platoniquement son père.
(…) son besoin à tout prix de justice et de vérité et la conclusion qui s’impose devant l’échec de ses héros. Qu’ils en soient responsables ou non, qu’ils soient innocents ou coupables, c’est par manque d’amour qu’ils échouent.
Kafka est le roi de la parabole.
La leçon de Kafka est une leçon d’amour. Et aussi une leçon d’effort et de patience. C’est l’impatience […] qui a chassé du paradis Adam et Ève, c’est l’impatience qui nous empêche d’y rentrer. Il y a en lui du stoïque…
L’artiste artificiel et l’écrivain bizarre sont vaniteux. Kafka est humble et naturel. Il n’y a pas eu d’auteur plus humble. C’est le seul cas de modestie dans les lettres universelles."
(Alexandre Vialatte)
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