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lundi 9 septembre 2019

L'amour en Dieu et le goût de l'éternité

Extrait d'un entretien avec Marie-Anne Le Roux, sœur oblate bénédictine à Nantes (in La Vie, août 2019) :
Vous évoquez dans votre livre Petit Traité sur le temps à vivre (Salvator) le « présent d'éternité »...
J'ai trouvé cette expression pour parler de la rencontre du temps de l'homme avec le temps de Dieu, et vice versa. Le Nouveau Testament emploie deux terminologies pour parler du temps : le chronos et le kairos. Le premier renvoie au temps matériel de l'existence humaine, qu'il soit long ou court. Le second correspond à une approche spirituelle, intérieure du temps. Il signifie « temps favorable ». Ce kairos dans la Bible est déterminant : c'est le temps de Dieu par excellence, le moment du salut, où il intervient. Le kairos est autant un don de Dieu (expérience de la Providence) qu'un choix de l'homme. Plus on aime selon le cœur de Dieu - en vivant de l'amour -, plus on goûte à ces instants d'éternité qui peuvent être très simples : une grande tablée familiale, la contemplation de la beauté, etc. Au fil du temps, l'éternité devient presque naturelle. Plus je permets au kairos de visiter mon chronos, plus cela me conduit vers l'accomplissement de ma vie (…)
À quoi le Christ nous invite-t-il, lui qui a connu la temporalité terrestre ?
Notons d'abord que le Fils de Dieu est entré dans le temps pour rejoindre l'homme et le libérer du péché. Autrement dit, il est entré dans le temps pour faire éclater le temps et nous établir dans l'éternité. Le Christ nous apprend à avoir un juste rapport au temps, lui qui d'ailleurs ne connaît pas l'heure de la fin des temps. Tout fils de Dieu qu'il était, tout puissant qu'il était, il a marché pas après pas. Il a été petit enfant, a appris à parler, s'est formé à un métier... Pour Jésus, ce chronos a duré 30 ans, pour trois ans de fécondité intense. Dans l'ordinaire se déploie le germe. Or, la tentation de l'homme est souvent de passer de la graine au fruit et de cueillir le fruit. Aussi, à une époque où l'on veut se sentir tout-puissant en faisant des choses extraordinaires, voir que le Christ a pris le temps de se déplacer, de rencontrer les gens, qu'il a éprouvé la soif, l'attente est incroyable. Il nous montre comment vivre et renoncer parfois malgré toutes les possibilités qui nous sont offertes. C'est dans les limites du temps et de l'espace qu'il a déployé sa toute-puissance à l'un ou l'autre moment pour guérir, montrer qu'il était sauveur, sans jamais écraser personne.
Pourquoi la limite est-elle si difficile pour l'homme ?L'espace est le signe de notre puissance, et le temps, le signe de notre impuissance, selon le philosophe Jules Lagneau (1851-1894). Face à sa finitude, l'homme sent qu'il n'est qu'un homme. Cela demande de l'humilité (…)
Peut-on « contrer » le temps de Dieu ?
Oh oui ! On est assez expert en la matière ! Une grande tentation est de forcer la vie. Prenons l'exemple d'Abraham et Sarah, qui attendaient le fils de la promesse. Ils ont fini par perdre patience et ont pris des moyens humains pour forcer le temps de Dieu. Ismaël est ainsi venu au monde. Dieu ne s'est pas mis en travers, il l'a béni, et Ismaël a eu son projet de vie. Mais la promesse restait sur Isaac, qui est né alors que Sarah était avancée en âge.

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