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lundi 27 avril 2020

Préface du "Journal de l'année de la peste" de Daniel Defoe

Ainsi en moins de quatre ans, de 1348 à 1352, la Mort Noire avait conquis la totalité de l’Europe, avec une incroyable rapidité. En moins de quatre ans, elle avait fait 24 millions de morts, soit entre le quart et le tiers de la population.

Encore n’était-ce là qu’une première saignée, le début d’une longue mainmise sur l’Europe : à ces années de mort Noire, succédèrent, selon les pays, trois ou quatre siècles d’une mortalité plus ou moins continue.

Plus que les deux premières, la troisième pandémie mérita bien son nom, car elle toucha effectivement tous les peuples, de 1894 à 1920. Atteignant Hong Kong en 1894, Bombay en 1896, la peste y trouva ce qui devrait assurer sa fortune définitive : la navigation à vapeur. Durant des siècles, (…) la lenteur des traversées excédait la brièveté de la maladie. Nul navire infecté quittant l’Europe ne pouvait espérer atteindre, vivant, le Nouveau Monde, et ces voiliers errants, que nul ne dirigeait plus, ont participé à la naissance du mythe du vaisseau fantôme.

La découverte du bacille responsable par un élève de Pasteur, Alexandre Yersin, apportait enfin en 1894, la réponse à l’une des plus angoissantes ignorances qu’ait connues l’humanité (…) Tout aussi capitale fut la découverte par Yersin du rôle du rat, commis voyageur de la peste, capable de la disséminer au cours de ses déplacements (…) Il faut attendre encore quatre ans pour que P.L. Simond, en 1898, révèle au monde scientifique incrédule le rôle de la puce dans la transmission de la peste.

La même désolation se retrouve dans l’admirable Grande Chirurgie de Guy de Chauliac (1363) : « Les gens mouraient sans serviteurs et étaient ensevelis sans prêtres. Le père ne visitait pas son fils ni le fils son père : la charité était morte et l’espérance abattue. »

C'est en effet à cette peste de Marseille en 1720 que nous devons le Journal de Defoe. En 1720, Londres est libérée de la peste depuis cinquante-trois ans (…)

Constamment à court d'argent après avoir dilapidé la dot de son épouse, ayant fait treize fois faillite, menant grand train de gentilhomme dans sa maison de Stoke Newington, père de six enfants, Defoe, journaliste (en 1722 il collabore à trois journaux), sait exploiter habilement l'actualité : d'un fait divers - le naufrage du matelot écossais Alexandre Selirk retrouvé quatre ans plus tard dans l'île déserte de Juan Fernandez - il avait fait Robinson Crusoé (…) Toujours harcelé en 1720 par les créanciers de sa faillite de 1692 (un passif de 17 000 livres !), Defoe saisit encore l'occasion que lui offre l'actualité : de la peste de Marseille il va faire le Journal de l'Année de la Peste.

Tout le journal se déroule donc sur deux registres : l'un, utilitaire, pratique, prophylactique ; l'autre édifiant, puritain, moralisateur. Comme Robinson Crusoé, le Journal de l'Année de la Peste veut prouver le rôle de la Providence.

Inventé en Hollande vers 1590-1610, le microscope fut introduit peu après en Grande-Bretagne. Mais il ne fut réellement utilisé que soixante ans plus tard : Antonie van Leeuwenhoek, découvreur du monde microbien, n'adressa ses observations à la Royal Society de Londres qu'à partir de 1673.


Henri H. Mollaret

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