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lundi 6 mai 2019

"Le droit à l'ombre"

"S'il est un trait qui caractérise notre époque, c'est bien la "conspiration contre toute forme de vie intérieure" qu'avait diagnostiquée Bernanos (…)

A l'époque de la tripe molle, le cœur doit s'exhiber en permanence (…) Paradoxe apparent : plus l'individualisme progresse, plus l'espace privé s'atrophie, au profit d'un règne du (…) privé spectaculaire (…)

Il est frappant de voir comme ce qui relevait hier de l'intime se retrouve aujourd'hui l'objet des discussions les plus politiques, débattu dans les parlements : la mort, le sexe et la famille, qui étaient autrefois des sphères échappant à l'emprise du droit et du marché. Procréation, euthanasie, harcèlement sexuel : ce qui relevait hier de la "vieille morale", comme disait Péguy, ou des "lois non écrites", comme disait Antigone, des coutumes et des us, de ce qu'on appelait les mœurs, sont aujourd'hui sous la coupe de la loi (…)

Dans la société de l'individu, la coexistence pacifique ne peut être assurée que par le droit, et le contrat remplace progressivement tous les habitus anciens (…)

"L'homme de demain aura-t-il le doit à tout sauf à l'ombre ?", se demandait Paul Morand qui se plaignait, à l'époque, des paparazzis. Il semble qu'avec le silence et le secret, l'ombre soit devenue une ressource rare du XXIè siècle."

(Eugénie Bastié, in Limite, mai 2018)

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