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samedi 25 juillet 2020

La mort apparaît aujourd'hui comme un échec

"(…) Il y a un siècle, Rilke écrivait: « On savait autrefois (ou peut-être le pressentait-on) qu'on contenait la mort à l'intérieur de soi-même, comme un fruit son noyau. » Aujourd'hui, la mort est toujours un accident - qui, à ce titre, aurait pu être évité. Jamais autant de personnes sont mortes à un âge aussi avancé, et pourtant la mort de vieillesse a disparu des nomenclatures officielles : on doit toujours mourir de telle ou telle maladie, de la défaillance de tel ou tel organe. Ce qui sous-entend que si on s'y était mieux pris, si on disposait de traitements plus efficaces, la mort aurait encore pu être repoussée. Dès lors, la mort n'est plus inscrite dans la condition humaine, elle apparaît comme un échec du système de santé (…)

Dans les quatre premières éditions du dictionnaire de l'Académie française, de 1694 à 1762, la vie est définie comme « l'union de l'âme avec le corps »« l'état où est l'homme quand son âme est unie à son corps ». Dans la cinquième édition, en 1795, les choses changent : la vie est désormais « l'état des êtres animés tant qu'ils ont en eux le principe des sensations et du mouvement ». (…)

On prétend les notions “nouvelle manière” aussi vénérables que leur ancienne forme, alors que l'innovation a précisément consisté à leur retirer tout ce qui pouvait justifier la vénération. Ainsi avec la vie: on affirme en même temps qu'elle est « l'ensemble des phénomènes et des fonctions essentielles se manifestant de la naissance à la mort », et qu'il faut tout mettre en œuvre pour la sauver. Mais en quoi “l'état d'activité de la substance organisée” mérite-t-il d'être sauvé ? On ne sait pas. Notre civilisation ressemble à ces volailles qui continuent un moment de courir alors qu'on leur a coupé le cou (…)"

(Olivier Rey, entretien avec Mickaël Fonton, in Valeurs Actuelles, 16/07/2020)

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