Nombre total de pages vues

jeudi 18 juin 2020

Un chrétien peut-il tuer ?

A priori, ça me semble contredire l'enseignement et l'exemple du Maître.
En gros, un chrétien devrait être non-violent.

Mais j'ai trouvé sur internet ce qui suit, à commencer par cet argument percutant :
Il est certain que l’on peut renoncer à se défendre soi-même ou à se laisser défendre par des moyens violents, mais on ne peut laisser le prochain sans défense efficace pour le protéger dans sa vie et dans sa liberté. C’est le principe de la charité qui est absolu et non celui de la non-violence”(1). Le père René Coste note à ce sujet que c’est dans le traité de la charité de sa Somme théologique que saint Thomas examine le problème de la guerre et non pas dans celui de la justice, comme on aurait pu s’y attendre s’il s’était situé dans une tradition philosophique.

La non-violence n’a jamais été considérée par l’Eglise comme une alternative à la théorie de la guerre juste. L’affirmation selon laquelle le témoignage de non-violence et de pacifisme chrétien vient de certains pères de l’Eglise à travers saint François d’Assise jusqu’à Dorotay Day et Martin Luther King est inexacte… il n’y a qu’une seule tradition catholique : la tradition de la guerre juste, mais cette tradition a été soumise à des tensions internes venant d’un désir de paix toujours présent. (2)

St Augustin (354-430) comme Thomas d’Aquin, traditionnellement considérés comme les deux pères de la pensée catholique sur la guerre juste, n’ont jamais envisagé la guerre que comme une solution de « moindre mal »

Chez Augustin, l’idée de l’inévitabilité des guerres est étroitement liée à une conception de l’homme qui est d’abord considéré comme pécheur. La perfection auquel tout être humain aspire est inaccessible dans la « Cité des hommes », ce qui rend parfois nécessaire le recours à la force pour prévenir l’injustice. Augustin, qui s’était élevé de manière véhémente contre la cruauté de la guerre a dû prendre en compte les circonstances historiques et notamment les accusations adressées aux chrétiens d’être responsables de la chute de Rome (410) à cause de leur philosophie de non-résistance. Toutefois, il se garde de développer une théorie générale de la guerre et se limite à en énoncer trois critères qui sont conditions de son acceptabilité : cause juste, intention droite, compétence de l’autorité qui la déclare.

Le jus ad bellum, conditions de la juste guerre.

Thomas d’Aquin reprendra ces trois critères dans une systématisation qui restera la base aussi bien juridique que théologique de la théorie classique. Plus encore qu’Augustin, il part d’une présomption contre la guerre. Il en traite en effet à partir de la question « Faire la guerre est-il toujours un péché ? ». Il est encore plus significatif qu’il traite des conditions de la guerre sous l’intitulé « De la Charité ». Il souligne par là la composante téléologique de son approche : la guerre ne peut être autorisée pour poursuivre n’importe quel but. Elle est le moyen de veiller à ce que justice soit faite et que soient préservées les valeurs fondamentales. Clairement, il y a chez lui une hiérarchisation des valeurs qui fait de la justice un impératif supérieur à celui de l’absence de violence. La théologie catholique ne s’est jamais fait le porte-parole d’un pacifisme « fondamentaliste » basé sur l’axiome de non-violence contenu dans l’Evangile. Dans les siècles qui suivront, l’idéal érasmien de paix universelle se développera en grande partie en opposition à elle.

La paix est la tranquillité de l’ordre” (Saint Augustin)
Le désordre engendre la violence qu’il faut distinguer de la force qui émane de l’harmonie. “Pour beaucoup de chrétiens, peut-être, l’action militaire est synonyme de violence, le concept de maîtrise de la force leur étant inconnu” (3)

Pie XII a fréquemment insisté sur cette nature de la paix. Le monde ne connaît pas la paix parce qu’il lui manque “la conscience d’une norme reconnue par tous moralement obligatoire et par là même inviolable… Cette norme, c’est la foi en Dieu et la conviction de ne pouvoir pas se soustraire à sa loi” (4)

"Construisez la paix en commençant par le fondement : le respect de tous les droits de l’homme, ceux qui sont liés à sa dimension matérielle et économique comme ceux qui sont liés à la dimension spirituelle et intérieure de son existence dans ce monde” (5)

Pie XII dans son message de Noël 1948 précise : “La fin de la paix est de bien protéger les biens de l’humanité en tant que biens du Créateur. Or parmi ces biens, il en est de telle importance pour la communauté humaine que leur défense contre une agression injuste est, sans nul doute, pleinement justifiée

Le catéchisme de l'Eglise catholique précise que “les pouvoirs publics ont le droit et le devoir d’imposer aux citoyens les obligations nécessaires à la défense nationale, et que ceux qui se vouent au service de la patrie dans la vie militaire, s’ils s’acquittent correctement de leur tâche, concourent vraiment au bien commun de la nation et au maintien de la paix”.


(1) Père René Coste, "L’Eglise catholique face aux problèmes de la guerre et de la paix, au cours des siècles". Article de la Revue de la Défense Nationale de juin 1983.

(2) Extrait du compte rendu d’une réunion tenue à Rome les 19 et 20 janvier 1983 sous la présidence du cardinal Ratzinger, à propos de la lettre pastorale des évêques américains, Le défi de la paix, Documentation catholique, 24 juillet 1983.

(3) Mgr Patrick Le Gal, évêque aux armées françaises, dans la revue EGMIL de mars 2003.

(4) Pie XII , juillet et septembre 1948.

(5) Jean Paul II à l’UNESCO à Paris, 2 juin 1980.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire