Lénine

"Dans la construction de la pensée politique de Lénine, ses lectures mais aussi ses échanges à Genève avec Gueorgui Plekhanov, introducteur du marxisme en Russie, jouèrent un rôle décisif.

Devant beaucoup à Plekhanov, au sujet duquel il écrivit que "jamais de toute ma vie, je n'ai eu autant de respect, de "vénération" pour quelqu'un ;il n'y a personne devant qui j'ai fait preuve d'autant d'humilité." Lénine se covertit très jeune au marxisme (…)

Toutefois, cette idée et le modèle qui en découle posent problème en Russie : comment en effet, penser une révolution ouvrière dans un empire où les paysans représentent 85% de la population ? (…)

Les Bolcheviks n'ont tenu qu'une place mineure dans la révolution de 1905 qui les a surpris et déroutés par la place que les masses ouvrières y ont tenue. Pourtant, de cette révolution avortée, Lénine va tirer parti en retenant en particulier l'idée mobilisatrice de "Soviet" qu'il récupère pour son propre compte.

Dès le 27 octobre 1917, la liberté de presse fut suspendue, la censure, rétablie, le monopole de l'information, transféré au pouvoir et quelques semaines plus tard, début décembre, Lénine se prononça pour la mise en place d'une police politique secrète, la Tchéka.

(…) dès janvier 1918, la dissolution de l'Assemblée constituante et la renonciation au pluripartisme témoignaient déjà d'une évolution vers la dictature du Parti bolchevik, devenu Parti communiste en mars 1918 (…)

Enfin, dans un registre plus symbolique, sont décidés le transfert de la capitale de Pétrograd à Moscou, l'adoption du calendrier grégorien et la substitution de nouvelles appellations "camarade, commissaire au peuple" aux anciennes appellations dites bourgeoises telles que "Monsieur, Madame, ministre…" (…)

Dès 1905, soit deux ans à peine après la naissance du Parti bolchevik, Lénine envisageait déjà le recours à la violence de masse comme un outil de pouvoir, mais c'est e janvier 1918, une fois la police politique rétabie et le premier camp de tavail forcé installé dans l'ancien monastère des îles Solovki, qu'il en fit un outil d'ingénierie sociale, écrivant qu'il faut "débarrasser la terre russe de tous les insectes nuisibles, des puces (les filous), des punaises (les riches) et ainsi de suite (…)

En mars 1921, la mutinerie des marins de Cronstadt dénonçant avec l'énergie du désespoir la dictature du Parti et la confiscation des libertés par une caste bureaucratique privilégiée se solda pas 2000 condamnations à mort et 6500 condamnations à des peines de prison ou de camp de travail. Quant à la famine de l'hiver 1921 qui, largement provoquée par la désorganisation de la production et l'incurie du pouvoir, fit près de 5 millions de victimes, elle ne devait susciter de la part de Lénine qu'indifférence (…)

Un avant avant l'attaque cérébrale qui allait conduire Lénine à se retirer progressivement de la vie politique, son intransigeance restait intacte, sourde aux souffrances de tout un peuple."

(Marie-Pierre Rey, in "Lénine", Glénat/Fayard)