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lundi 11 mars 2019

"La crise écologique vient d'une pathologie spirituelle"

"L'homme a été établi par Dieu comme roi de la création, c'est-à-dire non comme son tyran ou son exploiteur, mais comme son gardien, son jardinier, son sage intendant, avec la conscience que Dieu en est le seul Maître. Cela signifie que l'homme n'est qu'un médiateur entre la Providence divine et les créatures de Dieu, qui doit agir à leur égard non dans un but de jouissance égoïste mais avec une visée contemplative et eucharistique : voir Dieu dans sa création et lui en rendre grâce, tel est l'usage premier des créatures voulu par Dieu (…)

Marx pensait que les facteurs spirituels sont une superstructure des facteurs économiques ; je pense l'inverse, à savoir que les structures économiques sont sous la dépendance de facteurs spirituels. Ce sont des facteurs spirituels (apparus majoritairement à la Renaissance, et qui se sont développés graduellement dans les siècles suivants) qui ont permis le développement des techniques modernes et du capitalisme qui les a mises à son service (…)

Toutes les sociétés traditionnelles avaient un mode de vie consistant à ne pas prélever dans la nature autre chose que ce qui correspondait à une nécessité vitale. Mais l'homme moderne est passé d'une société d'usage à une société d'abus.

Les problèmes sociaux liés à la crise écologique doivent être pris en compte, mais aussi l'être humain en tant que membre de la nature et même en tant que couronnement de la nature. Il est important aujourd'hui de l'affirmer car divers courants actuels tendent à survaloriser la nature et à dévaloriser l'homme. Une partie importante du courant écologique est devenu antihumaniste, défendant la nature contre l'homme. D'une part, au plan politique, l'écologie est généralement liée à des partis qui militent pour la protection de la nature et les droits des animaux, sont attachés au maintien de leur vie et sont en faveur de tout ce qui contribue à les faire prospérer mais militent parallèlement en faveur de la contraception, de l'avortement et de l'euthanasie, révélant ainsi que la vie humaine a pour eux moins de valeur que la vie animale, et la prospérité de l'espèce humaine moins de valeur que la prospérité des espèces animales. Le courant antispéciste, dans certaines de ses composantes, voit même dans l'espèce humaine une espèce nuisible aux espèces animales, qu'il conviendrait de réduire voire d'éliminer. Il est important dès lors, si l'on veut éviter de telles contradictions, de mettre l'écologie en relation avec la bioéthique, l'anthropologie et la théologie, l'approche chrétienne en toutes ces matières permettant, contrairement à la plupart des approches écospirituelles actuelles inspirée du New Age, de garder à l'espèce humaine sa valeur et sa dignité particulières (…)

Dans l'Eglise orthodoxe dont je suis membre, des prières utilisées depuis des siècles dans différents offices se préoccupent de la santé de la nature et l'on n'a pas attendu ces dernières décennies pour pratiquer la modération et la sobriété qui sont les voies incontournables d'un changement pouvant améliorer la situation. Plus de la moitié de l'année (deux jours chaque semaine, et en continuité pendant quatre périodes) on pratique un jeûne qui non seulement exclut tout produit animal (nous sommes "vegan" depuis 2000 ans!), mais limite qualitativement et quantitativement diverses formes de consommation superflues. Le but est de redonner au spirituel la primauté."

(extrait d'un entretien avec Jean-Claude Larchet, in Limite, Janvier 2019)


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