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jeudi 8 juin 2017

Lettre d’un chrétien anonyme à un certain Diognète (IIè siècle)

"Les chrétiens dans le monde ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les vêtements. Ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres, ils ne se servent pas de quelque dialecte extraordinaire, leur genre de vie n’a rien de singulier. 

Ce n’est pas à l’imagination ou aux rêveries d’esprits agités que leur doctrine doit sa découverte ; ils ne se font pas comme tant d’autres, les champions d’une doctrine humaine. 

Ils se répartissent dans les cités grecques et les cités barbares suivant le lot échu à chacun ; ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et la manière de vivre, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur république spirituelle. 

Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens, et supportent toutes les charges comme des étrangers. Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère. 

Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveaux-nés. 
Ils partagent tous la même table, mais non pas la même couche. Ils sont dans la chair, mais ils ne vivent pas selon la chair. 
Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois établies, et leur manière de vivre l’emporte en perfection sur les lois. 
Ils aiment tout le monde, et tout le monde les persécute. 
On les méconnaît, on les condamne ; on les tue et par là ils gagnent la vie. 
Ils sont pauvres et enrichissent un grand nombre. 
Ils manquent de tout et ils surabondent en toutes choses. 
On les méprise et, dans ce mépris, ils trouvent leur gloire. 
On les calomnie, et ils sont justifiés. 
On les insulte, et ils bénissent. 
On les outrage, et ils honorent. 
Ne faisant que le bien, ils sont châtiés comme des scélérats. Châtiés, ils sont dans la joie comme s’ils naissaient à la vie. Les Juifs leur font la guerre comme à des étrangers, ils sont persécutés par les Grecs ; et ceux qui les détestent ne peuvent pas dire la cause de leur haine.

En un mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde."

(Lettre V, 1-15 – Sources chrétiennes n° 33 bis)

Extrait du commentaire du Père Jacques Turck, curé de Sainte-Lucie, à Issy-Les-Moulineaux :

"(…) Ce qui est sûr, c’est que l’on est surpris par la rapidité de diffusion de l’Evangile et de la foi chrétienne. 
Plusieurs facteurs y ont contribué. 

Le premier d’entre eux est la PAX ROMANA qui favorisait le franchissement des frontières, le brassage des populations, la sécurité des voyages. L’empire s’étendait sur tout le pourtour de la Méditerranée et comprenait bien plus que les 28 pays de l’Europe d’aujourd’hui. 
Chacun gardait sa langue et sa culture propre, mais il régnait entre tous, le sentiment que chacun était citoyen du monde. St Paul lui-même fera état de son titre de citoyen de l’empire romain (Act 16, 37). 

Dans les villes que Paul traversait, sa prédication convertissait aussi bien des juifs, des Romains que des Grecs ou encore des Africains de Cyrène… 
Et lorsqu’il se trouve à Athènes, il prêche en présence d’étrangers venus de toutes parts dans ce haut lieu de la philosophie (Ac 17,21). 
A cette époque, la philosophie stoïcienne régnait, avec ses principes, ses modes de vie. 
Les Chrétiens lui reconnaissaient une certaine sagesse. Ils acceptèrent le monde dans lequel ils vivaient sans le contester. 
Leur priorité était d’annoncer le mystère de Jésus mort et ressuscité reconnu comme Fils de Dieu fait homme. 
Ils ne cherchaient à faire le meilleur des mondes en imposant aux autres leur mode de vie et de pensée. 
Le Voyez comme ils s’aiment, suffisait. 
La première communauté ne remit pas en cause la philosophie et les mœurs stoïciennes de cette période. Les penseurs chrétiens du 1er siècle se serviront des concepts et des outils d’analyse de la philosophie grecque pour rendre compte de la manière la plus rationnelle possible de la pertinence de la foi chrétienne. 

Quant à la présence à ceux qui n’étaient pas chrétiens, elle était empreinte de de persuasion et de compassion. Seuls ceux qui désiraient devenir chrétiens étaient tenus de changer leur mode de vie. Cette conversion était un chemin difficile et long. Il appelait soutien et compagnonnage. 

AUJOURD’HUI CHRETIENS, nous vivons dans une société étrangère à la foi chrétienne, semblable à celle de la première communauté. 
Peu d’hommes et de femmes partagent notre foi et la vision de l’homme, qui en découle, héritée de la Révélation chrétienne. 
Ils ont peu de raisons de se ranger à notre manière de vivre. Aussi, les exigences de la suite du Christ s’adressent aux chrétiens que nous sommes. 
C’est à nous qu’il est demandé de ne pas pratiquer la corruption, les fraudes fiscales, le « piston », ni d’avoir recours à l’euthanasie, au suicide assisté, à la gestation pour autrui (GPA), au rejet de l’étranger, à la procréation médicalement assistée (PMA), à l’avortement… 
Comme aux premiers temps, ces exigences comprises de l’intérieur de la foi chrétienne, nous demandent de vivre autrement que les autres et de porter auprès des autres le témoignage joyeux de vivre ainsi. 

La révolution mise en marche par Jésus procède du cœur… non de la violence de principes ou de lois impossibles à saisir pour qui n’a pas la foi. 
Ce qui ne signifie pas : se tenir à distance des personnes qui vivent ces situations. 
En cela Jésus nous montre le chemin."