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dimanche 28 mai 2017

Electrique, maléfique et Google…

Sur Google, je tape les deux mots à la suite : "électrique maléfique".

Qu'obtiens-je ?
On veut me vendre des produits, des poupées, des films. 

Je tape alors « électrique est maléfique » et j'aboutis… dans un cul-de-sac : un lien sur les voitures électriques, un autre sur des effets sonores et c'est tout. 

Bizarre. Mais je ne désespère pas. Je me résous à une approche plus conceptuelle : je tape "électricité" et "mal". 

Google commence par me proposer deux pubs, une entreprise pour des travaux électriques, et un fournisseur d'électricité. 
Le commerce et la technique.  Point.
Sinon, si tu t'intéresses à ces mots-clés pour d'autres raisons, c'est plus grave. 

Ça peut relever de la médecine  : le premier lien non commercial est un site "médical" qui présente les "fourmillements, engourdissement, coups d'électricité, brûlures".

Ça peut aussi relever de la loi : l'adresse suivante est un article au titre alarmiste, sur un site de conseils juridiques ("Dangers de l'électricité : une fausse idée qui peut faire très mal")

Bref, ma requête était nulle et non avenue.


Il faudrait que j'en cause avec David Lynch. A voir la saison 3 de "Twin Peaks", il aurait certainement beaucoup à dire là-dessus…

vendredi 26 mai 2017

"Tout à coup : l'éternité" de Martin Steffens

« Si tu savais le don de Dieu... »  Ainsi parle Jésus à la Samaritaine. Ce don, elle l'a sous les yeux : celui qui lui pose la question, bientôt, mourra pour qu'elle ne meure plus. Si elle savait ! Nous, chrétiens, on ne le sait que trop bien : Dieu a tellement aimé le monde qu'il lui a donné son Fils unique. La leçon est apprise. Est-elle comprise ? Sans doute, car l'histoire du salut n'est pas sans logique. Elle commence au coeur de Dieu, où bat depuis toujours la pulsation d'amour. Elle se poursuit par la création du monde : création bonne et belle, qui ne demande rien en retour, qui n'a d'autre raison, pour Dieu, que de nous partager sa joie trinitaire. Mais cela supposait de créer un être libre - libre même de refuser la relation. On propose son amour, on ne l'impose pas. Le risque pris par Dieu devint un écart que l'homme creusa. Dieu appelle, l'homme fait la sourde oreille. Son coeur s'endurcit. Sur lui, vient se briser le cri des pauvres...
On aurait pu en rester là. Mais le don à l'homme de sa liberté n'a pas été l'abandon de l'homme à sa liberté : de sa propre initiative, Dieu vient habiter notre refus. Il se loge dans notre enfer pour nous en déloger. Voici enfin la Croix, plantée au coeur du Mal. Voici ces bras écartelés du Christ, qui sont surtout des bras parfaitement ouverts. Voici le plus grand Mal enveloppé par le plus grand amour. « Tout est accompli » : par la Croix nous fut offert le don inestimable de la vie éternelle.
Tout cela, on le sait. Les chrétiens le confessent. Mais en réalité, on n'y croit pas. Parce que, à la lettre, c'est incroyable : trop beau pour être vrai. Imaginez un peu : y croire impliquerait qu'il n'y a rien de plus à faire, désormais, qu'accueillir le don de Dieu. Il n'y aurait plus qu'à laisser passer, dans sa vie, cet amour divin déclaré deux fois : par la création du monde, puis par son salut. Il suffirait d'être un vivant merci. Imaginez : vaincue la mort, finie la peur. Les boules au ventre éclatant comme des bulles de savon ! Mais on tient à son angoisse. On tient à ses tristesses. On tient à ses rancunes. On tient à ce qui nous tient captifs.
Alors aujourd'hui, juste aujourd'hui, essayons d'y croire. Juste pour voir. Faisons comme les enfants quand ils jouent : « On disait que tu étais déjà sauvé, que tu étais juste là pour dire aux hommes qu'ils le sont aussi. » En ces jours de joie pascale, jouons le jeu des enfants de Dieu : soyons éternels, juste deux ou trois heures - et plus, si possible. N'ayons, au coeur, plus qu'une urgence : tisser le lien qui se propose. Car tout passera, s'effacera, tandis que l'Amour, donné et reçu, pose en cet instant précis, dans la Cité céleste, d'inébranlables pierres. Osons donc être, ici même, les résidents de la patrie heureuse. Le salut est déjà offert à tous : il revient seulement, aux serviteurs joyeux et inutiles que nous sommes, de le recevoir en l'annonçant. « Éternellement en joie pour un jour d'exercice sur la terre », disait Pascal.
Ah, si l'on savait le don de Dieu ! Ce serait déjà l'éternité. On rirait ensemble des échecs de la veille, des impôts en retard, et d'avoir raté, ce soir, le gigot d'agneau aux olives. Le sourcil serait moins froncé, le front plus large, le regard plus ouvert. Tout arriverait par surcroît : ce jour ne serait plus une chose à investir, à réussir, à affronter, mais un présent à accueillir. Dieu, finalement, ne nous demande que cela : reconnaître le don qu'il nous a fait et en répandre la saveur.
(La Vie, 13 avril 2017)
Martin Steffens enseigne la philosophie en classe prépa. Il a publié chez Le Passeur avec Christophe André Qui nous fera voir le bonheur ?

Qui est Emmanuel Macron ?


Les dessinateurs ont du mal avec EM, il est insaisissable.

Il naît en 1977, à Amiens. 
"Après un drame, dont il devra d’une certaine manière s’arracher et s’émanciper. Car si le petit Emmanuel est attendu avec émotion et appréhension, un peu plus d’un an plus tôt ses parents perdaient une petite fille. Un bébé mort-né. Atteinte d’une septicémie, sa mère Françoise a bien failli y laisser sa peau. Emmanuel voit le jour le 21 décembre. Un vrai cadeau de Noël. Son prénom qui veut dire « Dieu avec nous » n’est pas choisi au hasard. "*

Tous les ingrédients du héros mimétique.

L'héritage de sa grand mère institutrice, qui l'a élevé par le savoir. Elle l'appelle "L'Elu".
A eu beaucoup de pères.
L'obsession d'être libre, jamais être l'obligé de quelqu'un.
Et personne ne rentre dans son  périmètre. 
Il fait irruption (éjection victimaire). 
Culte de la différence. Selon lui, les médias le traite comme un "métèque".
Cf l'étymologie de Jupiter : Zeus Pater, le père des dieux. Il dit par là qu'il veut se situer au-dessus de la mêlée.

Mais aussi Zeus, qui devient Jupiter dans la mythologie romaine, n'hésite pas à se métamorphoser pour obtenir ce qu'il désire. Il s'éprend d'une jeune Phénicienne, se transforme en un taureau blanc, l'enlève et nage jusqu'en Crète où il lui révèle son identité avant… de la violer. Volage, il est celui à qui personne ne peut résister.
Zelig.

Doué dans l'art du colloque singulier. 
Maîtrise l'art de la rhétorique : comment persuader son interlocuteur en enchainant la confidence, les compliments et la logique.
Grand séducteur.  
Sa technique c'est d'être dans l'ambiguïté le plus longtemps possible, pour faire croire aux gens ce qu'ils ont envie de croire, et de laisser à ses interlocuteurs la capacité de se projeter : entendre ce qu'ils veulent entendre.

Il veut unir les Français et devenir leur guide. 

Se croit embrasé par un esprit de mission.
Gourou d'un spiritualisme areligieux, voire maçonnique (cf la pyramide).
Psychothérapeute de groupe, "penser printemps"… 
Un Moïse guidant son peuple... vers quoi ? 

Hollande c'était l'inversion de la courbe du chômage : un projet sexy en diable pour la nation, sur lequel son quinquennat allait devoir être jugé. Macron, c'est… on ne sait pas… un jour, c'est l'arrêt de la progression du FN, un autre jour, c'est l'éducation, un autre, c'est… etc… 

La liberté, choisir sa vie.

"La liberté, c’est le cœur de la pensée et de la vie d’Emmanuel Macron. C’est son maître mot, son carburant. Dans le premier chapitre de son livre programme Révolution, il le dit clairement : « D’aussi loin qu’il m’en souvienne, j’ai toujours eu cette volonté-là : choisir ma vie. » (…) Et, si l’émancipation est le but, l’État est le moyen, puisque la politique permettra à chacun de trouver sa voie (…), d’exercer sa liberté. Et de pouvoir choisir sa vie. » En clair : Emmanuel Macron promeut la société du choix et de la reconnaissance de la diversité des destins individuels dans la mesure où le cadre républicain est respecté. L’émancipation dans la tradition des Lumières est la clef de voûte du macronisme".*

Un projet de libération. 

Jupiter. "Un dieu qui exprime la souveraineté absolue. Il ne peut être soumis à aucune limite, ni enchaîné à quoi que ce soit. Il ne porte ni nœud, ni ceinturon, ni bague, ne peut même pas regarder un homme enchaîné, ni prêter serment. Jupiter, c'est la liberté absolue, l'absence de toute contrainte." (John Sheid, professeur émérite au Collège de France**)

Baptisé à 12 ans "de sa propre initiative". 

Mais préfère la "liberté" à la foi, car selon lui, la foi lui aurait fait perdre une partie de sa liberté.
A favorisé l'ouverture des des supermarchés le dimanche. 

Totalement laïc : cf son discours sur Jeanne d'Arc, sans aucune référence à la spiritualité de la sainte.

Dieu : "ce sont les voix qu'on crée soi-même". 
"Mais quelque chose nous dépasse"
Ambiguïté encore.

En tous cas, il convoque un dieu païen. "Jupiter permet de ne pas ouvrir de polémique sur les différents courants monothéistes qui traversent la société française", estime l'historien Jean Garrigues**.

Brigitte, c'est son regard. Alors qu'il est son élève, il devient son chouchou. 

"Après une scolarité studieuse et brillante au collège lycée jésuite de la Providence, le jeune homme déménage à Paris pour ses études (…)
"L’apprenti philosophe a également rejoint quelques années le comité de rédaction de la revue Esprit, où il écrit six articles."*

Foi ricoeurienne dans l'homme, dans le dialogue, le débat, pour que les guerres de positions se muent en guerre de mouvement.

Il sait que "le pouvoir est un geste imparfait".

Mais mû par aucune idéologie, à part peut-être la philosophie de la volonté, la "capabilité" : les lettres et la philosophie, c'est une carte de plus, celle destinée à séduire les intellectuels.

"« C’est une très belle intelligence, qui appréhende le monde d’abord par le prisme économique », concède l’un de ses amis".*

Veut faire barrage au Front National. En fait, à tout fait pour se retrouver face au FN et jouir du statut de seule alternative "républicaine".
Fin stratège : quand Fillon est élu à la primaire de la droite, EM dit qu'il va chercher à déstabiliser ceux, à droite, qui n'ont pas voté pour le vainqueur (NKM, Juppé, etc) en leur parlant, en "dialoguant", en les séduisant : "vous avez beaucoup plus en commun avec nous". Il sait que les états-majors ne viendront pas mais ils cherchent à leur "enlever les bras pour que le coût de la rupture soit de leur côté"

Operation de la dernière chance pour sauver le système.

Tancrède dans "Le Guépard" : "Il faut que tout change pour que tout reste comme avant". 
Le système global a gagné. 
C'est un vote de classe. 
C'est le président des "connectés", bénéficiaires de la mondialisation et qui vivent dans les métropoles. 
La France périphérique, la majorité des ouvriers et des chômeurs ont voté Le Pen.

"La petite start-up a absorbé la grande start-up française" (Finkielkraut). 
Le sourire des start-up est redoutable.
Arrogance de son entourage : jeunesse diplômée, geek, anglophile, ambitieuse.

"Faut-il se réjouir quand un président français se prend à déclarer à son pays, dans un moment d'extase, que la démocratie est le système "le plus bottom-up" ?***

Agent de l'américanisation de l'Europe. 

Dernier produit de la gauche américaniste, européenne, libérale. 
cf le documentaire de TF1 "Les coulisses d'une victoire" : à l'américaine, esthétique pub glamour. 
Exhibitionnisme (théâtre, belle gueule, couple, sa femme "Mireille d'Arc"). Il crée sa propre légende. Usage des Média.

Pour lui la vie avec les autres est une représentation.

Il est son propre story-teller.

Progressiste ? Le progrès est entré en crise. Le progrès, c'est le processus qui nous emporte. 

Pour la robotisation. Pour toutes la déstructuration des liens de famille au profit d'une "famille à la carte".

Comme le dit Alain Finkielkraut, quand la langue est mise à mal, l'urgence c'est de conserver et rester une civilisation. 

Je suis un conservateur.

EM a l'intelligence stratégique : choix de plus d'horizontalité, mais uniquement dans l'organisation. Plus de 4000 comités. 
Liberté d'organisations. Adhésion gratuite à son mouvement.
Mais finalement, comme dans un mouvement sectaire, on forme les nouveaux venus sur "comment convaincre dans sa famille", et à chaque meeting, on encourage les dons, et le chef est autoritaire, il fait les choix (ce qui est bien, selon moi).

Le roi. Seul. Solitaire, très contrôlant.
Centralisateur. Louis-Philippe.

Aime à se définir comme un guerrier. En tout cas, il a lu Machiavel. 

Macron joue sur l'affect, fait semblant d'aimer les gens (cf les derniers mots de son discours au sous la pyramide du Louvre). En réalité, c'est un animal politique, à sang froid. Il ne "calcule" personne. Il est indifférent. 

Cynique. La scène des "Coulisses d'une victoire" avec le jeune handicapé est hallucinante : "On va se battre. T'iras voter ? T'iras voter, hein ? Hinhin" dit le jeune homme dans un sourire tordu. "Je compte sur toi."

Tout le monde semble avoir avalé tranquillement son discours de campagne où il était parti en vrille, voix comprise, dans un délire hystérique, où il hurlait : "CE QUE JE VEUX, C'EST QUE NOUS, PARTOUT… etc…".
Pour moi, cet homme n'est pas sain. mais il s'en réjouit. Ça a fait parler de lui dans les réseaux sociaux.

Addendum : Michel Onfray dans "Valeurs actuelles" (1/02/24):
« Cet enfant en est resté à son heure de gloire, la chose est elle-même instrumentalisée par le couple, je ne m'interdis donc pas d'y faire référence : le rapt de sa professeur de théâtre dans le lycée privé où il est scolarisé en seconde alors qu'il a 15 ans et que son butin, majeur, en avait 40.
Une histoire somme toute très romaine - l'enlèvement des Sabines est un rite et un mythe de fondation, lire ou relire Tite-Live... Ce sentiment de toute-puissance et de mépris de tout ce qui n'est pas lui et de tout ce qui n'est pas son projet ne l'a pas quitté. Ses racines n'ont rien à voir avec la terre : elles ont à voir avec la transgression, la violation des règles.
Il a l'âme d'un petit insolent.
Par ailleurs, le personnel politique en vue dans le paysage politique français ressemble à l'époque: médiocre... »


*Extraits d'un article de Pascale Tournier paru dans l'hebdomadaire La Vie (4 mai 2017)
**La Vie (6 juillet 2017)
*** Camille Dalmas in Limite (mai 2018)